ça va très bien !
Jean Dominique Laporte tu as passé une dizaine de jours en Haïti juste après le tremblement de Terre, pourrais tu nous en dire un peu plus sur toi et sur ta mission ?
Je suis Médecin et j’officie dans un Cabinet de Médecine Générale à Trinité, en Martinique.
Avant de reprendre ce cabinet de médecine, j’ai beaucoup travaillé dans l’aide au développement la santé public et l’aide humanitaire dans la région de Genève. J’ai œuvré plusieurs années en Afrique et je suis membre de l’Aide Humanitaire Suisse.
Dès le tremblement de Terre, je me suis mis à disposition de l’Aide Humanitaire. Le temps d’organiser un départ, cela prend « trop de temps ». Le tremblement de Terre est intervenu le 12 et je suis arrivé le dimanche 17 janvier en Haïti, où je suis resté une dizaine de jours.
L’Aide Humanitaire Suisse s’était fixé comme tâche d’assurer un service de chirurgie infantile. C’est toujours un défi important. En Haïti, comme les infrastructures de la capitale avaient été touchées, c’est l’aide étrangère qui a du organiser de toute pièce les interventions. C’est la raison pour laquelle il fallait faire vite.
Habituellement, je m’occupe de santé publique pour l’Aide Humanitaire Suisse, mais il a fallu s’adapter à la situation et répondre à l’urgence. Aussi ma mission consistait en 2 jours d’évaluation des dossiers pour la remise en route des installations et des possibilités de services chirurgicaux dans les villes environnantes à l’Ouest de Port-au-Prince. Après ces deux jours, il m’a été demandé de me joindre à l’équipe des chirurgiens pour assurer le service d’hospitalisation et de suivi postopératoire des enfants.
C’est un gros service parce que les enfants doivent parfois être opérés plusieurs fois. Par exemple, les blessés graves doivent être endormis tous les deux jours afin de pouvoir procéder à des nettoyages des plaies et opérations.
Quel a été l’événement le plus marquant lors de ton séjour ?
Il y a beaucoup d’émotions quand on intervient dans une situation telle que celle-là. Tout d’abord, ce qui m’a marqué, c’est le très bon esprit d’équipe qui s’est manifesté dans l’épreuve. Sur le plan humain, je retiens une histoire d’un jeune garçon d’une quinzaine d’année prénommé Moïse. Il est arrivé avec des blessures graves et ses deux bras étaient brisés. Il pensait qu’il allait être amputé des deux bras, parce que les brancardiers l’avaient amené en disant « c’est pour l’amputation » ! Alors il était désespéré et a demandé si on allait lui couper les deux bras. Nous avons discutés ensemble et nous avons tout fait pour tenter de le garder. Nous avons donc échangés et je me suis aperçu qu’il arrivait à bouger les doigts et les mains. Nous avons donc procédé à une opération et le lendemain, lorsque je l’ai vu à la visite, il avait les deux bras dans des énormes attelles plâtrées et des bandages. Il ne pouvait pas bouger, mais sa mère était là pour lui donner à manger. Je lui demande donc « Alors Moïse, comment ça va » ? Et Moïse avait un très grand sourire, heureux d’avoir pu garder ses deux bras et il m’a dit « ça va TRÈS BIEN ».
Ta foi a-t-elle pu contribuée à tenir bon dans cette épreuve que tu as rencontrée ?
Je ne sais pas comment on peut tenir dans cette situation. C’est ça le miracle de la foi. Ma famille et l’Église, ici, a beaucoup prié pour cette mission et j’étais soutenu de différentes façons. Par exemple, lorsqu’il m’a été demandé d’organiser ce service d’hospitalisation, j’ai passé une très mauvaise nuit parce qu’humainement parlant, je ne voyais pas comment il était possible de le faire. J’essayais d’échafauder des plans dans ma tête, mais rien n’a marché comme je l’avais organisé ! Il faut dire que la journée avait commencé par une nouvelle secousse, et donc plus personne ne voulait entrer dans les bâtiments destinés aux soins médicaux. Donc, on a du faire preuve d’inspiration, et tout réinstaller dehors. Une chose aussi que je n’avais pas prévue est que le personnel de l’hôpital universitaire haïtien est spontanément venu pour nous prêter main forte et cela a permis que tout se déroule parfaitement bien.
Ce qui m’a touché, c’est aussi le témoignage des personnes qu’on rencontre et qui confessent qu’il y a quelque chose en nous de différent. Je crois qu’il nous est donné d’apporter une certaine consolation et un espoir aux personnes et aux familles qui rencontrent ces difficultés.
Plusieurs haïtiens disent que s’il y a eu le tremblement de Terre, c’est que Dieu voulait punir son peuple. Qu’en penses-tu ?
Lorsqu’on perd la moitié de sa famille dans un tremblement de Terre, la tentation est grande, et cela peut sembler plus confortable de penser que c’était la volonté de Dieu. Cependant, ce n’est pas de cette façon qu’on peut concevoir Dieu. Dieu est un Dieu Sauveur. Ce dont il faut se souvenir, c’est que ce n’est pas la « catastrophe » elle-même qui provoque ces morts. Ce sont les constructions humaines qui s’écroulent. Ce qui tue, c’est les maisons ! Il faut donc plus y voir la main de l’homme que la main de Dieu.
En guise de conclusion, que pourrais-tu nous dire sur le devenir d’Haïti ?
Ce qui peut nous révolter, c’est que c’est encore une population qui est des plus défavorisée qui a eu à souffrir de cette situation, car elle n’avait pas le choix de s’installer autre part. Il est donc important de réparer l’injustice et l’inégalité. Aujourd’hui, plus que jamais, Haïti a besoin de notre fraternité et d’un soutien à long terme et je me réjouis du grand élan de générosité qui permettra un bon démarrage de la reconstruction. Mais, il ne faudra pas laisser tomber Haïti une fois que la pression médiatique sera retombée et il faudra prévoir une reconstruction à long terme. Pour beaucoup d’haïtiens, c’est l’occasion de reconstruire sur des bases solides et de ne pas reproduire les schémas inégalitaires qui pouvaient être observés.