MAIS DE QUOI SE MELE L’EGLISE ? !
« N’est-ce pas à chaque chrétien, personnellement, de participer aux débats de société ? La laïcité n’impose-t-elle pas aux
Eglises un devoir de réserve ? En prenant publiquement la parole ne favorisent-elles pas le communautarisme ? Les convictions chrétiennes ne doivent-elles pas rester du domaine
privé ?… Que n’entend t’on pas sur ce sujet, jusqu’à l’affirmation péremptoire du « Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu » interprétée comme un devoir
pour les croyants de se taire dès qu’il s’agit de la vie publique ».
La prise de parole publique est donc un défi. Trois aspects importants s’imposent au fidèle qui vit dans la société. Nous soulignons qu'il
s'agit pour le croyant de :
· Dire
l’évangile ! C’est une parole qui s’impose au croyant et qu’il ne peut garder pour lui seul, quand bien même cette parole serait en rupture avec la société.
· Participer à la
construction d’une société plus juste et plus humaine Il s’agit ici des richesses (humaines, philosophiques et psychologiques) que l’on peu puiser dans la Parole de Dieu.
· Prier avec
intelligence pour ce monde qui est placé sous le regard de Dieu.
Selon lui, l’écoute et le débat doivent être privilégiés. Ce débat se doit d’être le plus ouvert que possible, d’autant que nous sommes en une
période politique intense qui précède des élections.
Analyse
Gilles de Labarre est président du CASP. Il s’interroge, quant à lui, à l’heure où la cohésion sociale du pays est mise à rude épreuve pour savoir comment en est-on rendu là ? La question
est de savoir comment trouver l’énergie, la volonté et les innovations indispensables à l’action et comment rendre notre pays plus solidaire, plus fraternel, plus humain ? Le pendant à
cette question est de savoir comment les structures confessionnelles peuvent participer au débat public sur le sujet de la crise sociale ? Pour lui, il s’agit tout d’abord de comprendre
qu’il n’y a pas qu’une seule réponse à apporter. Cette crise est une crise sociale multiforme. La société est aujourd’hui touchée par trois crises qui s’entretiennent les unes les autres :
crise de l’emploi, crise du sens et crise du lien social.
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La crise de l’emploi est issue de l’échec collectif de l’Etat et des politiques publiques depuis plus de trente ans. Face au chômage, la société s’est installée dans un pessimisme ambiant, dans une fatalité destructrice. Le travail étant devenu une source majeure d’identité, il faut bien que l’identité absente se reconstitue là où elle peut par des signes et des appartenances, voire des communautarismes dangereux.
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La crise du sens provient de l’incapacité de notre société à se donner des objectifs individuels et collectifs mobilisateurs, autour d’un projet fédérateur. Selon lui, la France, mais c’est aussi le cas pour la Martinique, n’a pas trouvé son modèle pertinent : avec la LOLF, il rêve d’un modèle de type nordique, mais ne s’en donne pas les moyens. D’un autre côté, il refuse le modèle anglo-saxon libéral, mais se laisse acculer au chômage de masse ! Il s’agit d’un projet inter-générationnel qui implique l’ensemble des citoyens, tous étant unis les uns aux autres. Mais il s’agit aussi d’un projet qui dise dans quel type de société l’on souhaite vivre.
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La crise du lien social provient du délitement progressif du tissu de relations qui existaient autrefois entre les individus à travers des institutions régulatrices comme les syndicats, les partis politiques, les églises… Dès lors qu’un accident de la vie survient (chômage, séparation, maladie…), les mécanismes de solidarité traditionnels ne jouent plus et l’exclusion vient alors dissoudre le sens et les liens sociaux.
D’autres phénomènes amplifient cette crise : le manque de logement, la panne de l’ascenseur social, la stagnation des
rémunérations…
Face à ces trois crises, les réponses apportées par les différents intervenants, qu’ils soient publics ou privés, ont été d’apporter des
prestations ! Nous l’avons écris plus haut, c’est comme si de la même façon qu’un médecin au XVIIIème siècle prescrivait à une personne un peu souffrante : « une
saignée ! », il semblerait qu’en notre XXIème siècle, l’acteur social prescrive avec autant d’aisance « un bilan de compétences ! » au demandeur d’emploi.
Prestations sans relations n’est que dérision ! Dès lors, la question majeure est celle de la densité du capital social, d’entourage, de
lien social qui entoure les personnes en difficultés. Et c’est bien là l’enjeu majeur de nos associations dans leur travail quotidien, au plus près de la détresse humaine.
Quel rôle pour les structures confessionnelles ?
Face à cette crise sociale, les structures confessionnelles doivent jouer un double rôle de veille et d’innovation. L’inflation législative ne
permet pas de résoudre tous les problèmes liés à la crise sociale et il serait illusoire de reporter sur les élus la charge de tout régler. Ne faut-il pas aller beaucoup plus loin et mettre
en place un dispositif d’engagement collectif qui réussissent à mobiliser non seulement les acteurs du social (travailleurs sociaux, associations, partenaires…) mais aussi les grands acteurs de
la société française (syndicats, entreprises, services publics, collectivités locales, citoyens, médias…) ?
C’est bien là que les structures d’insertion confessionnelles peuvent trouver une place dans ce projet fédérateur, et cela pour plusieurs
raisons :
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tout d’abord, pour éviter les risques de déstabilisation de notre démocratie et retrouver le sens de la « promesse démocratique ». Il s’agit d’éviter quatre risques majeurs :
o le protectionnisme dans l’ordre économique (comme le
souligne Bernard Maris),
o l’autoritarisme dans l’espace politique (comme le
relève Michel Rocard),
o la tentation communautariste dans le domaine social
(comme le dénonce Jean-Christophe Ruffin),
o le fondamentalisme et l’intégrisme dans l’ordre du sens
(comme l’écrit Nicolas Sarkozy).
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d’autre part, pour affirmer que le protestantisme a une vocation à « faire bouger les lignes », il est important de résister à la fatalité et à protester devant l’injustice, les pratiques discriminatoires et les atteintes à la liberté.
-
enfin, ces structures devraient avoir le courage de faire part de ses réflexions, même si elles ne sont pas toujours comprises de tous nos contemporains. Il s’agit aussi d’être cohérents entre ce qui est cru, ce qui est dit et ce qui est fait ! La question de la lutte contre l’exclusion n’est pas un thème abstrait de discussion. Elle évoque le visage très concret de tous ces hommes, ces femmes et enfants, ces jeunes que nous côtoyons et qui s’adressent à nous.
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